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 Du jeu traditionnel au sport : l’irrésistible mondialisation du jeu sportif (2ème partie)

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Du jeu traditionnel au sport : l’irrésistible mondialisation du jeu sportif (2ème partie) Empty
MessageSujet: Du jeu traditionnel au sport : l’irrésistible mondialisation du jeu sportif (2ème partie)   Du jeu traditionnel au sport : l’irrésistible mondialisation du jeu sportif (2ème partie) EmptyDim 13 Avr - 1:51

Le sport : une activité distinctive

Arrivé à ce point de notre analyse, un problème va rapidement se poser avec acuité : quel sens accordons nous aux mots que nous employons ? Le terme "sport" est prodigieusement polysémique. Si l’on veut éviter les confusions et les malentendus, il convient de s’accorder sur la signification des concepts que nous utilisons. Bien entendu, l’étiquette verbale - le "signifiant" - que nous associons aux réalités extra-linguistiques étudiées, est conventionnelle, "arbitraire" comme disent les linguistes. Cet aspect conventionnel est relatif à chaque culture et peut entraîner des décalages sémantiques importants. Ainsi, pour certains auteurs, le terme "sport" recouvre-t-il l’ensemble des activités physiques de divertissement ; cette acception est aussi légitime que tout autre, mais il conviendra alors de distinguer, au sein de cet ensemble pléthorique du sport, les sous-ensembles de pratiques physiques bien typées qui répondent à des contraintes et à des réalités fort différenciées. Et le problème de la pluralité des catégories d’activités ludomotrices inconciliables, provisoirement masqué par l’attribution à toutes de la même dénomination, ressurgira de plus belle !

Pour notre part, nous avons opté pour une définition opérationnelle du sport, c’est-à-dire pour une définition qui s’appuie sur des critères objectifs et contrôlables. Dans cette optique, le concept de sport requiert la conjonction de quatre critères que nous allons rapidement rappeler :


  • Une situation motrice : la mise en jeu corporelle est ici pertinente. Le jeu d’échecs ou le bridge, qui ne sollicitent pas les conduites motrices des joueurs en tant que trait pertinent, ne sont pas des sports.


  • Des règles : sans règles, sans contraintes définissant l’univers d’action motrice autorisé, il n’y a pas de sport.


  • Une compétition : il ne s’agit pas d’une simple émulation, mais d’un dispositif qui organise le système des actes marquants et qui désigne les vainqueurs et les vaincus.


  • Une institutionnalisation : qui associe un ancrage social et médiatique décisif. Conçu fréquemment comme une simple activité de type physique, le sport mobilise en réalité de puissants leviers économiques et politiques.
Le facteur capital qui accordera au sport son identité, c’est précisément le processus institutionnel qui passera par la création des fédérations sportives et des grandes instances internationales (Comité International Olympique, Coupe du Monde de football, championnats divers...). Cette reconnaissance officielle - juridique, économique, politique - permettra au sport de se hisser au premier rang des événements sociaux dont la télévision se fera le chantre sur le plan mondial. On ne s’étonnera donc pas que nous la considérions comme un trait majeur de la définition du sport.

Dans cette optique, le sport peut être défini de façon simple et concise comme l’ensemble des situations motrices codifiées de façon compétitive et institutionnalisées. Cette identification effectuée, nous pourrons distinguer parmi l’en- semble des activités physiques, d’autres catégories de pratiques qui répondent à des besoins différents et seront sans doute affectés de façon fort variable par la mondialisation :


  • Les quasi-jeux sportifs : jeux physiques informels, dénués de règles, soumis à des usages locaux et dépendants des impératifs du milieu - jogging, ski, kayak de loisir, vélo, baignade...



  • Les jeux sportifs traditionnels : ce sont les jeux physiques codifiés, non institutionnalisés, et souvent issus d’une longue tradition ludo-culturelle - la Chandelle, les Barres, le Cheval fondu, la Galine, le Drapeau...


  • Les quasi-sports : il s’agit de jeux sportifs conçus sur le modèle des sports mais qui n’ont pas encore réussi à atteindre une notoriété institutionnelle pleine et entière. Ces jeux "semi-institutionnalisés" sont du niveau régional et non du niveau mondial - joutes nautiques du midi de la France, "boule de fort" de la région nantaise, lutte des Canaries, balle au tambourin de la région de Montpellier...

Les jeux sportifs de rue : pratiques ludomotrices urbaines, parfois nouvelles, parfois imitant des sports consacrés, qui se donnent des règles simples et fluctuantes en gardant une grande part d’improvisation - basket, football ou hockey "de rue", roller, planche à roulettes...

De telles distinctions évitent de figer la multiplicité des activités physiques en une seule catégorie censée être monolithique : le sport. On peut ainsi identifier l’itinéraire de chaque pratique, éventuellement jalonné de transformations, qui font passer cette activité d’une catégorie à une autre. Au cours des dernières décennies, une foule de quasi-jeux ont connu une sportification spectaculaire et sont devenus des sports à statut plein : planche à voile, escalade, roller, VTT, bicross, volley de plage.... Cette observation diversifiée signale que le sport n’est qu’un sous-ensemble d’activités physiques parmi beaucoup d’autres possibles. Le sport n’est donc pas une activité "naturelle", inéluctable, qui va de soi ; il répond à un choix culturel, daté et situé. Parmi les différentes catégories identifiées, il est le seul à connaître une mondialisation conquérante ; et il y a tout lieu de penser que ce succès est lié à ses traits constitutifs : l’institution, au rôle décisif, choisit les types de compétitions les plus aptes à attirer le plus grand nombre de spectateurs. Une question, rarement posée semble-t-il, mérite cependant d’être avancée : pourquoi certaines activités ont-elles accès à la mondialisation alors que d’autres restent confinées dans la régionalisation ? Les pratiques sélectionnées par les instances institutionnelles pour en faire des sports ont-elles été retenues, comme on le prétend parfois, en raison de leur plus grande richesse et d’une éventuelle supériorité ?

Mondialité... supériorité ?

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, en découvrant les rivages insoupçonnés des Indes occidentales, la Niña, la Pinta et la Santa Maria ont creusé les premiers sillages qui allaient inéluctablement entraîner un lent processus de mondialisation dont les conséquences envahiront de façon spectaculaire le monde d’aujourd’hui. Cependant, ce phénomène, dont les importantes conséquences sociales n’ont été mises sur le devant de la scène que depuis peu, possède dans le domaine sportif une grande antériorité. En 1892, quatre siècles exactement après la découverte de l’Amérique, il y a donc plus d’un siècle déjà, le baron Pierre de Coubertin annonça, à la Sorbonne, son projet de refondation des Jeux Olympiques.

On peut en effet considérer que la mondialisation du sport a connu son acte institutionnel fondateur dans l’organisation réussie des premiers Jeux Olympiques modernes qui se déroulèrent à Athènes, en 1896. Disposant d’un bon siècle d’existence, arrivé à maturité, le sport étend désormais son filet de règlements, d’épreuves et d’exploits tout autour de la planète. Fortement adossé aux môles institutionnel et commercial, inséré avec brio dans les flux économiques, il a réussi à se hisser à un niveau d’influence mondial. Ce succès du sport est souvent brandi comme le signe d’une supériorité sur les autres activités physiques, lui octroyant par exemple la priorité dans le domaine éducatif. Que faut-il en penser ?

Remarquablement adapté au système économique et médiatique, le sport est une marchandise qui se vend bien notamment grâce à son exceptionnelle spectacularité. Sur ce plan, le sport est imbattable. Mais les ressources potentielles des activités ludomotrices en général ne se réduisent pas, loin s’en faut, à cette dimension économique. La massification d’une pratique ne signifie pas nécessairement sa "supériorité".

Afin d’offrir des "produits" séduisants sur le plan international, les règles du sport sont conçues pour exalter sa spectacularité, et à ce titre, doivent souvent respecter des contraintes qui confinent l’action dans des structures standardisées, répétitives et limitantes. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le développer à plusieurs reprises (1981, 1984), le sport n’est ni une activité universelle, ni un jeu plus noble que les autres jeux dont il serait le prétendu "couronnement". Le sport représente une frange seulement du spectre des activités physiques, mais une frange remarquablement exploitée dans ses aspects attractifs. Les jeux traditionnels et les quasi-jeux ne sont pas des jeux mineurs, simplement "préparatoires" aux sports comme certains auteurs se plaisent à l’affirmer, mais des pratiques parfois plus complexes et plus subtiles que les jeux institutionnels. En effet, afin de plaire au plus grand nombre, ceux-ci se doivent d’être des jeux "simples" et susceptibles de favoriser des identifications émotives immédiates facilement lisibles par le spectateur néophyte. L’analyse des règlements des différents sports révèle que les modifications successives des codes sportifs évoluent toutes vers la clarté et la simplification propices à l’attrait spectaculaire. Quand on passe des jeux traditionnels aux jeux institutionnels, on n’observe donc pas une différence de degré orientée de l’inférieur vers le supérieur, mais une différence de nature.

L’analyse comparative des universaux, c’est-à-dire des structures opératoires de fonctionnement des jeux sportifs (système des scores, structure des rôles sociomoteurs, réseau des communications...) révèle cette cristallisation institutionnelle sur des structures élémentaires et aisément déchiffrables exaltant l’affrontement et la victoire, alors que les structures traditionnelles possèdent un éventail beaucoup plus diversifié proposant des structures d’action plus riches et plus complexes. L’accession à la scène mondiale accroît encore cette typification des spécialités sportives selon des cadres et des mécanismes d’action simplifiés, uniformisés, et d’une lecture immédiate. La prétendue supériorité du sport n’est qu’une illusion. (...)

Bibliographie


  • Adam Yvon, "Quelques problèmes d’orientation et de pédagogie des activités sportives", in Les Cahiers du Centre d’Etudes et de Recherches Marxistes, Activité physique, éducation et sciences humaines, n°43, Paris, CERM. Bateson Grégory, Vers une écologie de l’esprit, Tome I, Paris, Editions du Seuil, 1977.


  • Parlebas Pierre, "Le sport est-il un jeu naturel, universel et supérieur ?" in VEN n° 387 p 4-15, 1984.


  • Parlebas Pierre, Jeux, sports et sociétés, Paris, INSEP Publications, 1999.


  • Warnier Jean-Pierre, La Mondialisation de la culture, Paris, Editions La Découverte, 1999.


  • Weber Eugen, La Fin des terroirs, La modernisation de la France rurale (1870-1914), Fayard- Editions Recherches, 1983.

Pierre Parlebas



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